Monde cruel. Monde sans paix. Monde de guerre.
Aujourd'hui, vingt trois juin deux milles, Maman pleure. Du haut de mes dix ans, je pars la voir. Son mascara glisse sur sa douce peau, et ses joues, rosies, sont humides. Je glisse ma petite main dans la sienne. Elle me prends dans ses bras, me susurre des ' Je t'aime ' à en perdre haleine. Je n'aime pas quand elle pleure. Je veux prendre sa tristesse. Je veux qu'elle soit heureuse, moi malheureuse. Je lui souris. Tristement, elle m'embrasse sur le front.

« Maman... Maman... Pourquoi tu pleures ? » dis-je, la voix glacée, brisée.
« Rien, ma petite fée. Rien du tout. Allez, dors, ma plus belle. Demain, c'est l'école. »

Sa voix est douce. Comme si elle cherchait à me réconforter par tous les moyens. Je scrute son doux visage, baisse les yeux, puis me recule pour retomber souplement sur mes pieds. Lentement, je glisse ma main contre ma robe en soie, et je me penche vers Maman pour lui déposer un délicat baiser aux coins de ses lèvres. Son odeur m'apaise. Je soupire, repars doucement vers ma chambre, là où mes rêves m'attendent.

Kiara pleurait. Elle pleurait son amour. Comme elle l'avait songé, il n'était jamais revenu. Ni même à son accouchement. Jamais. Elle avait élevé sa petite fille, Opale Lovalee, seule. Cette dernière, âgée à présent de dix ans, s'inquiétait souvent de sa mère, avec qui elle était très proche. La voir sangloter chaque soir la rendait perdue. Elle ne savait pas où donner la tête. Elles résidaient dans un quartier luxueux de Londres, mais rien n'y fait. Les apparences ont toujours été trompeuses. Ce n'est pas pour autant que la mère Oxburry et sa fille furent heureuses. Kiara faisait tout pour n'offrir que du bonheur à sa petite fée, comme elle aimait si bien l'appeler, mais rien n'y faisait. Comme si Opale ressentait étrangement toutes les sensations de sa jeune maman âgée de trente deux ans.

Quatre janvier deux milles trois.
Kiera Eileen Maryna Oxburry a mis fin à ses jours. Ses proches en témoignent : cela fait plusieurs années que son état ne s'améliore pas. Toujours la même, toujours aussi triste. Elle fut découverte par sa propre fille âgée de treize ans. Cette dernière a réellement bien réagis en téléphonant, bien que paniquée, à la police. Les pompiers sont arrivés... Mademoiselle Oxburry décéda quelques heures après qu'elle soit mise dans une chambre d'hôpital. Son état s'aggravait. Elle avait avalé de la javel et d'autres produits toxiques qui ont ravagé son poumon droit, ses reins, son estomac. Souffrance, elle a rendu l'âme, laissant pour orpheline sa 'petite fée', comme elle aimait si bien l'appeler. Cette dernière a été placée dans une famille d'accueil au plus vite. Une famille avec trois enfants de son âge, ou presque.

Perdue, seule. Oh oui, terriblement seule... Je contemplais la fenêtre qui donnait sur le jardin où Sofia, Judith et Mickael jouaient. Leurs rires me montaient lentement aux oreilles, et je grimaçais. Pourquoi riaient-ils ? Pourquoi riaient-ils alors que Maman était morte ?! Cela fait un mois, deux semaines, un jour, quatre heure qu'elle m'a abandonné. Elle me manque... Maman... Pourquoi tu m'as laissé ?! J'avais tant besoin de toi...
La main tremblante, je jette un regard sur mon mouchoir imbibé de larmes chaudes. Je soupire. Un long soupire tremblotant et faible. Quelqu'un frape. Je hurle de me laisser tranquille. La femme qui s'occupe de moi s'approche. Alisha, elle s'appelle. Elle me sourit. Un sourire reconnaissant. Je tourne la tête, tandis qu'une nouvelle vague de tristesses se rut en moi.

« J'ai besoin d'être seule... S'il vous plait ! » dis-je enfin, alors qu'un silence s'était installé.
« Écoute, Opale... Je t'en supplie, vas jouer avec les trois autres. Ils te réclament sans cesse... Je ne supporte pas de te voir dans cet état là ! Allez, ma belle. Lève toi, enfile un jeans, un bon pull, et pars jouer avec eux. »
« Je n'ai pas besoin d'aller jouer... Je suis bien, ici ! Et puis... de toute façon, j'ai des devoirs. » Ma voix était sèche, ce que je ne souhaitais pas. Je grimaçais lentement, baissant les yeux avec honte.
« D'accord... Comme tu veux, ma grande. Mais dans une heure, tu descends. Tout le monde a prévu de faire une partie de jeux vidéos, et on veut tous que tu sois de la partie. »
« Promis, Alisha. Merci pour tout, vous êtes formidables... »

Un sourire reconnaissait se glisse entre mes lèvres. La jeune femme se penche vers moi pour m'embrasser sur le front. Elle glisse ses doigts dans mes cheveux, de façon à les replacer correctement. Je ferme les yeux, attends qu'elle parte, pour reposer mes yeux sur la fenêtre, rêveuse, les yeux humidifiés par mes larmes nouvelles.

Les années ont passé. Ce qu'a fait Opale de son temps ? Non, elle n'a pas fais la même erreur que sa mère. Elle a grandis, mûris, changé. A présent, elle est devenue quelqu'un d'autre. Une nouvelle Opale ; plaisante, souriante et généreuse. Elle gardera toujours en elle une souffrance invisible qu'elle ne pourra jamais effacer. Celle de n'avoir jamais pu faire quelque chose pour sa mère, la personne qui comptait le plus dans sa vie. Elle lui manque, énormément, terriblement. Mais elle n'est plus de ce monde, et la brunette s'est fait une raison. Elle doit vivre, autant qu'elle le peut, oublier son passé et surtout profiter.
Pendant deux ans, Opale Lovalee Oxburry a tenté de retrouver son père. En vain. Elle a seulement appris qu'il était partie très loin de l'Angleterre, qu'il avait trois enfants et une femme qu'il aimait éperdument. Un boum au cœur pour notre protégée qui s'en est remise avec mal. Alors, âgée de dix neuf ans, Opale part pour l'Amérique. Son rêve de toujours. Los Angeles, la ville de tous les plaisirs.
Oxburry n'a pas peur, loin de là. Elle a changé, et elle compte vous le montrer !

« Alisha ! Judith ! Mickael ! Sofia ! Peter ! Vous vous doutez bien de ce que je vais vous dire, je vous en ai tant parlé... Ce que je souhaitais vous dire, c'est que je vous remercie à tous d'avoir été là pour moi. Tous. Vous avez été les plus formidables personnes que j'ai pu connaître. J'ignore ce que je serais devenue sans vous... En tout cas, pas ce que je suis, à présent. Je remercie particulièrement Alischa et son mari, Peter, pour leur soutien permanent. Et au plus fou des 'frères', Mickael, qui m'a toujours protégé ! A mes 'sœurs', Judith et Sofia, qui m'ont appris à vivre normalement. Je sais que ça n'avait pas été très facile, au début... Et je m'en excuse ! »
« Oh mon Dieu, ma petite Opale ! Je n'aurais jamais cru qu'on te dise au revoir si vite... Enfin, comme on dit, ce n'est qu'un au revoir, n'est-ce pas ? Promets nous que tu seras toujours là pour venir nous voir ! On a besoin de toi. Tu es quelqu'un d'important chez nous, parce que tu fais partie de notre famille. A la meilleure ! Et je souhaite tellement que tu réussisses ! »
« Ouaip ! A la plus chiante des sœurs ! Même Judith et Sofia n'ont pas réussis à te battre sur ce point ! Tu vas me manquer, sale folle... »
« Rah, j'aime pas les adieux, moi ! Allez, sache que j't'oublierais pas, ma grande ! Sois toujours aussi belle, toujours aussi charmante ! Et donne moi des nouvelles de tes nouvelles conquêtes ! »
« Promis, So ! Je vous aime ! »